10 février 1996 : marche anti-Bamiléké à Douala

C’est l’une des nombreuses pages sombres de l’histoire de notre pays. La marque de l’exacerbation d’un tribalisme qui malheureusement et à certains égards, semble encore exister aujourd’hui.

Organisée par les chefs supérieurs de l’ethnie Sawa, cette marche mettait ainsi en évidence le sentiment anti-bamiléké qui animait nombre de camerounais en ce milieu des années 90, en pleine période d’ouverture à la démocratie.

Cette marche fut alors, l’apothéose de plusieurs années de « Bamiléké-bashing » qui se manifestait à travers le boycott des produits fabriqués ou d’entreprises créées par des populations d’origine bamiléké. Comme le relatait Jacques Kago Lele : «Ainsi en va-t-il de l’Union Camerounaise des Brasseries dont la bière est appelée dédaigneusement « bière bamiléké » dans certaines régions du centre et du sud ; de la Caisse Commune d’Epargne et d’Investissement (CCEI Bank), de la Banque Unie de Crédit: de l’hôtel Palace Garden, du Collège Monthé, de l’entreprise Intelar de Djeukam Tchameni, de l’imprimerie Roloprint de Benjamin Zebaze, etc».

Un rejet de la communauté Bamiléké qui de l’avis de nombre de spécialistes, ne datait pas de cette seule période et aurait d’ailleurs été « constitutionnalisé ». Ceci notamment à travers l’introduction du « concept d’autochtonie » dans la constitution du 18 janvier 1996, promulguée moins d’un mois avant cette marche, comme le souligne le Dr Dieudonné Zognong.

Et, comme pour confirmer le caractère plus ou moins légitime de cette marche (et de ce tribalisme peu ordinaire), Maurice Nguepe, affirme qu’elle « fut d’ailleurs encadrée par la police et relayée par la télévision d’État (La CRTV). À la suite de cette marche se développa une littérature antibamiléké abondante dans des journaux progouvernementaux tels La Détente, Le Défi, Le Patriote, Galaxie, Elimbi, laquelle ne fut jamais censurée ».

Une page triste qui malgré tout, semble avoir été tournée aujourd’hui.

Pour aller plus loin :

– Nguepe, M. 06 novembre 2014 – Paul Biya : 33 ans au pouvoir, comment en est-on arrivé là ? Journal Du Cameroun. Lien : http://www.journalducameroun.com/article.php?aid=18676

– Zognong, D. La question Bamiléké pendant l’ouverture démocratique au Cameroun : retour d’un débat occulté. UNESCO. Lien : http://www.unesco.org/most/dpzognong.htm